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Michel Blanc, acteur populaire et réalisateur, est mort à l’âge de 72 ans

Comédien populaire, réalisateur, scénariste… L’acteur Michel Blanc est mort dans la nuit de jeudi 3 à vendredi 4 octobre, a appris Le Monde auprès de son attaché de presse, confirmant une information de Paris Match. Il avait 72 ans. L’acteur a fait un malaise cardiaque dans la soirée de jeudi avant d’être hospitalisé, a précisé son entourage à l’Agence France-Presse (AFP).
« Putain, Michel… Qu’est-ce que tu nous as fait… », a réagi vendredi matin dans un message posté sur Instagram le comédien Gérard Jugnot, membre comme lui de la bande du Splendid. « Michel mon pote mon frère mon partenaire », a écrit l’actrice Josiane Balasko, une autre figure de cette troupe phare des années 1970-1980. « La Troupe du Splendid -Josiane Balasko, Marie-Anne Chazel, Christian Clavier, Gérard Jugnot, Thierry Lhermitte, Bruno Moynot – s’associent d’une seule et unique voix pour exprimer leur douleur immense suite au décès de leur ami et compagnon Michel Blanc », a-t-elle ensuite fait savoir à la mi-journée, dans un communiqué transmis à l’AFP.
Alors que les réactions politiques abondent pour saluer la mémoire de Michel Blanc, le président de la République, Emmanuel Macron, lui a également rendu hommage sur X, déclarant : « Il nous a fait pleurer de rire et ému aux larmes. Monument du cinéma français, Michel Blanc s’en est allé. » La ministre de la culture, Rachida Dati, a également salué sur le réseau social la mémoire de « Michel Blanc [qui] nous aura épaté par la variété de son jeu d’acteur, mais aussi par ses talents de réalisateur. »
Le comédien était d’abord indissociable du personnage de Jean-Claude Dusse, loser attachant des comédies cultes Les Bronzés (1978) et Les bronzés font du ski (1979), de Patrice Leconte. « On sait jamais, sur un malentendu, ça peut marcher… » est l’une des répliques les plus emblématiques de ce personnage gringalet chauve et moustachu, dragueur raté toujours persuadé de pouvoir « conclure ». Une réplique passée à la postérité, tout comme la scène où il resta coincé en haut d’un télésiège, en chantant : « Quand te reverrai-je, pays merveilleux… »
L’acteur avait ensuite enchaîné les comédies : Viens chez moi, j’habite chez une copine (Patrice Leconte, 1981), Ma femme s’appelle reviens (Patrice Leconte, 1982) ou encore Papy fait de la résistance (Jean-Marie Poiré, 1983). Si le personnage de Jean-Claude Dusse a un temps enfermé Michel Blanc dans le comique, ce dernier a tout de même fait ses preuves dès le milieu des années 1970 dans d’autres registres, en tournant pour les réalisateurs Bertrand Tavernier (Que la fête commence, 1975), Claude Miller (La Meilleure Façon de marcher, 1976) ou Roman Polanski (Le Locataire, 1976).
Surtout, après l’énorme succès public de Marche à l’ombre (1984), son premier film en tant que réalisateur, le comédien sait rebondir et élargir son registre en s’éclipsant le premier de la bande du Splendid. « Les gens dans la rue m’appelaient “mon pote” ou me criaient “t’as une ouverture” », rappelait-il, ajoutant : « Bref, ils s’adressaient à Jean-Claude Dusse… Ça m’amenait vers une carrière qui ne m’intéressait pas. Je ne stimulais plus l’imaginaire des auteurs. »
Il fait exploser le « plafond de verre » grâce au trangressif Tenue de soirée (1986), de Bertrand Blier, où il incarne l’émouvant Antoine, qui s’entiche de Gérard Depardieu et se travestit. Le rôle, couronné du prix d’interprétation masculine à Cannes, marque un tournant. Tout au long de sa carrière, ce gros bosseur, perfectionniste, a su utiliser ses complexes et son talent d’écriture pour explorer le désenchantement et façonner les personnages de ses films, notamment ceux qu’il réalise comme Grosse fatigue (1994) et Embrassez qui vous voudrez (2002). Il se montre convaincant dans le registre dramatique, en campant l’inquiétant Monsieur Hire (1989), d’après Simenon, ou un médecin homosexuel au début du sida dans Les Témoins (2007), d’André Téchiné. Ou encore à la télévision dans L’Affaire Dominici (2003).
« Je revois tout ce qu’on a pu faire ensemble (…) C’était un ami (…) un type extrêmement singulier, assez secret, j’avais l’impression qu’il se protégeait beaucoup », a confié vendredi sur RTL le réalisateur Patrice Leconte, ajoutant : « Je n’arrive pas à imaginer qu’il ne soit plus là. » En 2006, Patrice Leconte avait à nouveau réuni la troupe des Bronzés pour un troisième volet, qui avait été un échec critique. Malgré cela, Michel Blanc avait toujours envie de retravailler avec ses anciens complices du Splendid, comme il l’avait dit à Paris Match au printemps : « Faire des choses ensemble, oui, mais pas Les Bronzés. On ne sait plus faire cet humour-là. C’était il y a bientôt cinquante ans, le monde a évolué. »
Après ce rendez-vous raté, Michel Blanc, nommé quatre fois au César du meilleur acteur, remporte en 2012 la précieuse statuette pour son second rôle inattendu de directeur de cabinet dans le thriller politique L’Exercice de l’Etat, de Pierre Scholler. « Ce rôle était quelque chose d’extrêmement important pour moi, très différent de ce que j’ai pu aborder. C’est un type de rôle dont je rêvais, mais je n’étais pas sur que vous m’acceptiez dans ces rôles-là, que le public m’accepte dans ces rôles-là », avait-il déclaré, ému, lors de de son discours de remerciement.
Avec sa mort, « on célébrera l’acteur des Bronzés et autres succès publics de celui au physique souffreteux du Français à qui on ne la fait pas », mais « espérons qu’on n’oubliera pas un film où il est acteur et réalisateur », a réagi vendredi l’ancien président du Festival de Cannes, Gilles Jacob, sur X.
Né le 16 avril 1952 à Courbevoie (Hauts-de-Seine), Michel Blanc est fils unique. Milieu plutôt modeste avec un père déménageur qui finira cadre moyen et une mère dactylo devenue comptable. Des parents très aimants qui surprotègent leur fils, né avec un souffle au cœur. Timide, chétif, grand hypocondriaque – « je suis le pionnier du gel hydroalcoolique ! » –, le jeune Michel perd vite ses cheveux et va devoir miser sur l’humour, parfois caustique, et l’autodérision plus que sur son physique. « J’ai un avantage sur les chauves tardifs, je n’ai jamais associé la calvitie à l’âge », plaisantait celui qui a longtemps été mal dans sa peau.
Dès l’enfance, il se passionne pour la musique classique. A 20 ans, il tente même de faire carrière comme pianiste. Il y consacre six à sept heures par jour mais renonce assez vite, comprenant qu’il ne sera jamais « le nouvel Arthur Rubinstein ». Changement de cap. Il rejoint sa bande de copains du lycée de Neuilly pour se lancer dans l’aventure du café-théâtre au sein de la troupe du Splendid. « Comme je ne m’aimais pas, j’avais envie de jouer des personnages qui n’étaient pas moi », racontait-il. « C’est un homme solitaire, blessé, déconcerté », disait son amie l’écrivaine Françoise Sagan. « Je suis un anxieux qui préfère l’action à la dépression », précisait l’intéressé.
L’acteur, qui mène aussi une belle carrière au théâtre, est toujours resté très discret sur sa vie privée : « Notre travail, c’est notre personne même. Si on expose son intimité, on devient un people, on n’est plus un comédien », confiait-il à Télérama en 2007. « Savoir que votre garagiste est homo ou hétéro ne change rien sur votre appréciation de son travail », ajoutait-il. « Pour les acteurs, au contraire, cette connaissance est un facteur de brouillage. »
Le Monde avec AFP
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